Сompositeur Serguei Belimov

« Quand je suis né en 1950, Schoenberg, Prokofiev, Honegger et Ives créaient encore; Yannis Xenakis, Kariheinz Stockhausen et Serguei Slonimsky venaient juste de commencer leurs études de composition au sein de leurs conservatoires - au CNSM de Paris, à la Hochschule de Cologne, et au Conservatoire de Leningrad; John Cage avait déjà inventé le piano préparé, mais son concerto pour ce piano ne fut pas encore rédigé, et pour cette raison le grand Giacinto Scelsi ne pouvait point l'entendre, ainsi il continuait à répéter la même, toujours la même note de piano, en écoutant les résonances disparates, et chaque dimanche le gamelan jouait a Denpasar sur Bali.

Vers trois ans, j'ai inventé mon premier instrument de musique. En tendant des élastiques provenant de bocaux de cornichon sur des bâtons de bois, j'ai aperçu avec stupéfaction que plus l'élastique est élongé, plus le son est aigu. Ainsi les expériences acoustiques venaient de m'assaillir.

Le bruit, la musique et le silence se sont succédés dans ma vie entre 1950 et 2005, au moment où j'écris ces mots. Et le bruit devenait de plus en plus menaçant, tandis que le silence s'amenuisait au fur et à mesure. Fort heureusement, la musique perdurait. J'ai eu la chance d'entendre la musique de Scelsi et le chant des chamans - bahsy de Kazakhstan du sud, le jeu du kemantcha en Azerbaïdjan et du doudouk en Arménie, la récitation des vedas en Inde, les cris des muezzins en Egypte et Tunisie, bavarder avec Avet Terteryan et John Cage, puis un dimanche jouer un petit peu au gamelan sur Ifle de Bali.

Pendant les pauses entre l'ecoute, les conversations et le jeu, j'ai réussi parfois à pénétrer le silence et noter ce que j'ai pu у entendre. Par moments, j'ai capté d'abord une cellule principale à partir de laquelle le reste s'est déployé : le concerto pour hautbois, je l'ai entendu dans le Repino hivernal de 1987, le concerto pour flûte - au sein du brouhaha de Sadovoye Koltso à Moscou, celui pour violoncelle en l'an 2000 pas loin de ma maison - près du bois de Vincennes, celui pour saxophone - sur le Pont Neuf à Paris, et« Chaque mouche est un mystère » en 2004 — dans la cuisine d'un appartement de nos amis à Florence. Les «Multicordes» pour 31 cordepianos - en fait je ne me souviens plus où et quand je les ai entendues la première fois, peut-être deux mois avant ma naissance, ou à la fin des années 80, mais la « création » de cette œuvre se revêtait insane à cause de l'absence de cet instrument. Tandis que le piano ordinaire - même préparé à la Cage - s'avérait, comme toujours, incapable de faire durer le son, de jouer les micro-intervalles et modifier son timbre. Il fallut l'inventer. Dommage que je n'aie pu le faire qu'en 1996, lorsque Scelsi était déjà mort. II s'en serait certainement réjoui.
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